Les Diamants de Golconde:
La magie et le mythe
Lorsque le grand explorateur et marchand français Jean-Baptiste Tavernier a effectué son premier voyage en Inde en 1638, il a été fasciné par les magnifiques diamants naturels de la région. Il les décrit dans son journal comme des « gemmes de la plus belle eau », comparant leur transparence pure à celle d’une étendue d’eau.
Au cours de ses six voyages en Inde, Jean-Baptiste Tavernier rapportera ce qui deviendra les diamants les plus célèbres du monde : le diamant Hope, le Black Orlov, l’Idol’s Eye, le Koh-i-Noor et le Beau Sancy, entre autres. Ses trésors ont suscité un désir insatiable de diamants chez les nobles et les membres des familles royales européennes et russes, qui les convoitaient en tant que symboles de pouvoir et de gloire. Certains étaient considérés comme des talismans de protection et de chance, d’autres comme des présages de malchance. Certains sont conservés dans des musées et dans les joyaux de la Couronne britannique ; d’autres ont mystérieusement disparu.
Des Siècles plus tard, Nous Sommes toujours Fascinés par les Diamants de Golconde
Les rares fois où un diamant de Golconde est mis aux enchères, il attire l’attention du monde entier et atteint des prix records. Lorsque le diamant Princie, une pierre de type IIa d’un rose intense fancy de 34,65 carats et d’origine Golconde, a été proposé chez Christie’s en 2013, il a été vendu pour la somme stupéfiante de 40 millions de dollars.
« Les diamants de Golconde ont une façon particulière de capter l’imagination, représentant non seulement la beauté physique mais aussi un lien durable avec l’histoire », a déclaré Lee Siegelson, propriétaire de Siegelson à New York, spécialisé dans les bijoux et les pierres rares. Les diamants de Golconde possèdent une luminosité éthérée qui a longtemps été décrite comme « de l’eau la plus fine », un terme réservé aux pierres dont la pureté et l’éclat semblent presque d’un autre monde.
Même les joailliers les plus expérimentés sont impressionnés par la beauté scintillante d’un diamant Golconda.
« Ils ont une pureté et une douceur difficiles à décrire », déclare Glenn Spiro, bijoutier londonien de renom qui a manipulé certaines des pierres les plus exceptionnelles au monde. « Ils sont d’une classe à part ».
Né en Inde
L’histoire des diamants de Golconde commence en Inde, où la documentation la plus ancienne sur les pierres provient d’un manuscrit sanskrit du IVe siècle. En 327 avant J.-C., lorsque Alexandre le Grand a envahi l’Inde, il est rentré en Europe avec des diamants. Plus tard, Marco Polo a fait état de la beauté séduisante des diamants lors de son voyage dans la région en 1292.
« L’histoire des diamants de Golconde est fondamentalement indienne, enracinée dans la religion, la politique, la littérature et l’économie de l’Inde », a déclaré Capucine Juncker, auteur de Diamants de Golconde, publié en 2024 par SKIRA. « Ce qui me fascine, c’est que l’histoire des diamants de Golconda n’est jamais complètement connue, malgré les enquêtes menées dans différentes parties du monde par d’éminents spécialistes ».
Au cours de ses deux années de recherche, elle a appris que les histoires se poursuivent. « Le Florentin, le Nassak et l’Akbar Shah ont littéralement disparu au siècle dernier, tandis que le Princie et, plus récemment, le Farnese Blue sont apparus par surprise ; le Koh-i-Noor, symbole de la colonisation britannique, est toujours au centre d’un conflit passionné entre l’Inde et l’Angleterre ; d’autres diamants de Golconda font partie du patrimoine culturel, comme le Darya-ye-nur en Iran, l’Orlov en Russie et le Dresden vert en Allemagne. »
Toutes les pierres de Golconda ont en commun d’être classées scientifiquement comme étant de type IIa, ce qui signifie qu’elles ne contiennent pas d’azote mesurable (qui donne une teinte jaunâtre). Elles se présentent sous la forme de blanc pur, de nuances de brun et, en de rares occasions, de bleu et de rose.
Selon George Harlow, conservateur émérite au Département des Sciences de la Terre et des Planètes de l’American Museum of Natural History, le terme « Golconde » est toutefois mal choisi. « La véritable localisation des diamants était Kollur, sur la rivière Krishna, où ils ont été trouvés dans des mines alluviales. Les pierres étaient échangées à partir de la ville forteresse de Golconda, près de la ville d’Hyderabad ». D’où le nom de Golconda.
Selon lui, les caractéristiques uniques du diamant sont en partie dues au fait qu’il a été découvert dans des mines alluviales, où les rivières ont déplacé les diamants au cours du processus d’altération, les transformant en pierres légèrement arrondies.
L’Inde est restée la seule source de diamants connue au monde pendant environ 2 000 ans. Au début des années 1800, les mines étaient épuisées, de sorte que tout diamant Golconda authentique a au moins 200 ans.
L’attrait du diamant Golconda repose sur sa remarquable transparence, mais les pierres originales ont également un style de taille unique, a expliqué Krishna Choudhary, un bijoutier indien de la 10ème génération qui a lancé sa marque Santi en 2019. « Il faut regarder les styles de taille uniques de ces pierres, le feu, la profondeur, c’est un ensemble », a-t-il déclaré. « Les facettes étaient parfois incurvées, peut-être pas délibérément, mais tout était fait à la main. Il est pratiquement impossible d’obtenir des facettes incurvées aujourd’hui, car tout est taillé perpendiculairement.
Sa famille possède une collection de diamants de Golconde datant de l’époque moghole, qui ne sont pas à vendre car « une fois vendu, on ne peut pas le remplacer », a-t-il déclaré. Les rares fois où il tombe sur une pierre provenant d’une famille indienne, elle se vend rapidement, comme ce taviz (amulette en diamant) de 10 carats datant de 1960 qu’il a serti sur un cordon de soie et vendu à un client américain.
Quand s’agit-il d’un Diamant Golconde ou de ce qui s’apparente à un Diamant Golconde ?
Avec toute sa beauté et son histoire, il est facile de comprendre pourquoi de plus en plus de collectionneurs recherchent des diamants Golconda. Il y a vingt ou trente ans, la plupart des personnes extérieures au secteur ne connaissaient pas le terme, mais aujourd’hui, après plusieurs ventes très médiatisées et grâce à des acheteurs mieux informés, un plus grand nombre d’entre eux connaissent ce joyau de collection.
Attention : Le terme est parfois utilisé à tort. Lorsque l’on définit les diamants les plus purs, classés comme étant de type IIa, certains parlent de Golconda, mais en fait, on trouve aussi des diamants de type IIa dans d’autres mines, notamment en Afrique du Sud et en Russie. Il n’en reste pas moins qu’ils sont ultra rares : moins de deux pour cent de tous les diamants extraits sont de type IIa.
Selon Tom Moses, vice-président exécutif du Gemological Institute of America (GIA) et expert de renommée mondiale, il est impossible de vérifier l’origine Golconda d’une pierre sans traces écrites. Au cours de sa carrière, il a évalué de nombreux diamants historiques de Golconda, dont The Hope à trois reprises.
Il précise que le GIA n’accordera pas la désignation Golconde en l’absence de documentation. « Lorsque nous voyons un diamant de type IIa ayant les mêmes propriétés qu’un diamant Golconde, nous disons qu’il est de type Golconde parce qu’il possède les qualités associées aux diamants de cette région », a déclaré Tom Moses. « J’aime l’utilisation de la narration et de l’association parce qu’elles sont valables et expliquent l’histoire.
De même, la maison de vente aux enchères Christie’s utilise le terme « type Golconde » pour décrire les pierres qui ressemblent à ces diamants limpides et purs de la région, explique Alexander Eblen, senior vice president Jewelry, Americas. En général, dit-il, les seuls diamants Golconde vérifiables « se trouvent dans des collections extrêmement remarquables, dont l’histoire est connue depuis une époque où il n’existait que très peu de documents écrits».
Il compare la provenance du diamant Golconde à celle d’un saphir du Cachemire ou d’un rubis birman « sang de pigeon », qui sont considérés comme étant de la plus haute qualité et qui se vendent cher en raison de leur beauté et de leur origine historique vérifiable. En d’autres termes : « Nous attachons du sens et de la valeur à leur origine ».
Dans le cas de la bague The Drexel Heart : A Golconda Diamond Ring d’Harry Winston proposée par Lee Siegelson, il est très probable qu’il s’agisse d’un diamant de Golconde étant donné sa provenance. « Il s’agit d’un exemple extraordinaire qui présente toutes les caractéristiques d’un diamant de Golconde : une taille impressionnante, une couleur D pure, une clarté exceptionnelle et une coupe en forme de cœur rare et élégante », a déclaré Mr Siegelson. « Cette pierre de plus de 30 carats, transmise par la famille Drexel, l’une des dynasties financières les plus influentes d’Amérique, a été sertie en platine par Harry Winston. »
« L’opportunité d’acquérir un diamant Golconde est un moment extraordinaire et souvent unique, car les diamants de cette envergure transcendent leur rôle de pierres précieuses pour s’inscrire dans un héritage culturel et historique plus large », a déclaré Mr. Siegelson.
Il est si rare que des gens comme Glenn Spiro se souviennent encore d’un diamant qu’il a vendu il y a 20 ans. « Le plus beau que j’ai eu est un magnifique diamant Golconde de 12 carats, serti dans une simple bague, que j’ai vendu à un client californien. Il était doux et soyeux, et je me souviens de chaque facette. Je regrette de l’avoir vendu ».
Pourquoi un diamant vaut 40 millions de dollars ?
Revenons au diamant Princie, vendu chez Christie’s pour 40 millions de dollars. Est-ce qu’une seule pierre vaut ce prix ? Comme l’a souligné Alexander Eblen, il s’agissait d’un diamant unique. « Il s’agit d’une pierre d’une grande pureté, de type IIa, avec de larges facettes antiques, et d’une taille gigantesque, monstrueuse. La chimie et les attributs naturels de la pierre sont merveilleux, et à cela s’ajoute une origine bien documentée. Et d’ajouter : « Le facteur romantique est également extraordinaire ».
De nombreux diamants rares de Golconde se trouvent dans d’importantes collections privées, et les familles ne veulent pas s’en séparer, a déclaré Alexander Eblen. « Souvent, nous avons l’occasion de les voir et de les évaluer dans le cadre de notre expertise, et ils retournent dans le patrimoine familial pour être transmis à la génération suivante.
La rareté d’un diamant de Golconde est comparable à celle d’un tableau de Rembrandt, affirme Alexander Eblen. « En tant qu’admirateur de la Nature, je dirais que ces objets sont parmi les plus rares que la Terre nous ait donnés. On pourrait passer en revue des millions et des millions de pierres sans en trouver une seule qui soit semblable à celle-ci ». C’est pourquoi nous sommes toujours à la recherche des diamants de Golconde.