Retour vers le Futur… en Diamants Naturels Van Cleef & Arpels
Van Cleef & Arpels se penche sur son histoire remarquablement moderne pour donner une vision de l’avenir de la Maison dans un nouvel ouvrage et une magnifique exposition.
Depuis plus d’un siècle, Van Cleef & Arpels illustre les courants de mode et, dans de nombreux cas, définit les tendances en matière de bijoux. Peu de maisons peuvent se prévaloir de la notoriété de tant de collections emblématiques : Alhambra, Frivole, Perlée, etc. Pourtant, la force de la Maison réside dans son ingéniosité. Les prouesses techniques des collections actuelles renvoient aux pièces conçues dans les premières années. Il n’est pas surprenant de savoir qu’avant même que la maison n’ait 20 ans d’existence, Van Cleef & Arpels a remporté le Grand Prix de joaillerie en 1924 lors de l’Exposition internationale des Arts Décoratifs et Industriels à Paris. Cet événement a marqué l’avènement du mouvement Art déco et placé la joaillerie au centre de son expression.
La maison connaît depuis longtemps l’importance de ces pièces historiques et a discrètement et méthodiquement réuni un ensemble de plus de 2 700 pièces. Le premier volume d’une série de deux nouveaux ouvrages consacrés à l’histoire de la maison vient d’être publié par l’Atelier EXB et s’intitule The Van Cleef & Arpels Collection (1906-1953). Ce recueil comprend 700 pièces, qui témoignent du savoir-faire de la Maison, et est écrit par l’historienne de l’art de Van Cleef & Arpels. Alexandrine Maviel-Sonet, Directrice du Patrimoine et des Expositions de Van Cleef & Arpels, s’est entretenue avec Only Natural Diamonds à l’occasion du vernissage d’une exposition organisée pendant la semaine de la Haute Couture parisienne en juin dernier à l’Hôtel de Mercy-Argenteau. Le joaillier y présentait une rétrospective de type muséal des différentes époques et des pièces d’archives. Cet hôtel particulier du XVIIIe siècle est le nouveau siège de l’Ecole des Arts Joailliers créée par Van Cleef & Arpels pour faire découvrir l’univers de la joaillerie. Nous nous sommes retrouvés dans la bibliothèque rénovée et étoffée de l’établissement.
OND: Pourquoi pensez-vous qu’il est important de conserver ces pièces d’archives ?
Alexandrine Maviel-Sonet: La Maison a plus de 120 ans et nous avons une collection de plus de 2 700 pièces dans nos archives. Nous avons donc pu réaliser une étude approfondie de cette collection et comprendre tout le mystère de la Maison. Nous avons enquêté et passé du temps dans nos bibliothèques pour fouiller dans la collection et comprendre pourquoi tel ou tel modèle a été fabriqué à telle ou telle période.
Il est important d’expliquer l’histoire de la Maison pour comprendre nos créations. Nous avons divisé ce recueil de volumes et l’exposition en trois chapitres. Nous abordons l’évolution de l’art et des créations par le biais d’un parcours chronologique. La première période, de 1906 à 1925, s’appelle L’essor Créatif. C’est le tout début de la Maison. Elle s’inspire d’influences étrangères, notamment égyptiennes et asiatiques.
On comprend ainsi mieux cette création de 1924 : le bracelet à la rose, avec des roses rouges et blanches faites de diamants blancs et d’autres pierres précieuses. Nous terminons le chapitre avec cette pièce en raison de sa reconnaissance à la foire internationale de Paris en 1925. Cette pièce, entre autres, a remporté le prix du plus beau bijou.
Puis s’ouvre le deuxième chapitre, de 1926 à 1937. La fille du cofondateur Alfred Van Cleef, Renée Puissant, reprend le studio. On ne l’appelait pas ainsi à l’époque, mais elle était directrice de la création. Cette période porte toutes les signatures de la Maison : La Minaudière, brevetée en 1933, le Serti Mystérieux en 1933, et toutes ces créations étonnantes. Vous pouvez retrouver toute cette inspiration dans nos créations contemporaines.
Il est étonnant de voir à quel point, de 1926 à 1934, tout semble intemporel. Nous avons même inclus des robes dans l’exposition, dont une robe noire de Vionnet. Elles sont tout à fait intemporelles ; on pourrait les porter aujourd’hui.
C’est pourquoi il est intéressant de montrer les archives. Nous avons ce clip pivoine du tout début. Avec cette pièce, la Maison Van Cleef & Arpels répond au défi majeur posé par les évolutions de « la parure du XXe siècle ». Sur un ensemble de branches en diamants calibrés et de feuillages en platine sertis de brillants animés d’une délicate torsion, repose une tête de pivoine à demi éclose. Son cœur accueille six rubis taille ovale qui soulignent la profondeur et le volume de la fleur. Autour, se déploient des pétales ourlés d’or jaune, composant de grandes plages monochromes serties de rubis. Ces amples surfaces empierrées sont désormais possibles grâce à la mise au point, en 1933, d’un nouveau système de sertissage des gemmes : le Serti Mystérieux.
La broche pouvait être portée en paire ou séparément. Mais ce que nous présentons aujourd’hui n’est qu’une seule pièce, car nous n’avons pu retrouver qu’une partie de la broche.
OND: Vraiment? Où est l’autre pivoine ?
Alexandrine Maviel-Sonet: Nous ne savons pas. (Rires) Si vous la trouvez, appelez-nous. En 1936, tout le monde est émerveillé par le savoir-faire de la Maison et sa capacité à réaliser de telles pièces. Vous verrez comme cela ressemble à du vrai velours. On croit vraiment que c’est une fleur. On a envie de la toucher.
Puis en 1938 débute l’aventure américaine. À la fin des années trente, en Europe, les gens ont commencé à s’installer aux États-Unis, impressionnés par la créativité et la liberté qu’ils y trouvaient.
Voyez comment nous présentons le bijou Passe-Partout et le dessin qui l’accompagne dans l’exposition, c’est une histoire d’amour. Le Passe-Partout a été réalisé pour représenter la Maison à l’Exposition universelle de New York en 1939. C’est une pièce emblématique parce qu’on peut la porter de multiples façons : comme un collier, autour de votre poignet comme un bracelet, ou autour de votre taille, comme une ceinture.
L’exposition se termine en 1953. En 1954, nous avons ouvert La Boutique à Paris pour nos créations qui ne sont plus des pièces uniques. Après la guerre, au début des années 50, de plus en plus de gens se remettent à porter des bijoux. Nous ne créons pas seulement de superbes pièces uniques destinées à être portées par une seule personne, nous avons de véritables collections.
OND: C’est la démocratisation des bijoux.
Alexandrine Maviel-Sonet: Exactement, à la fin de cette période, vous avez un bijou que vous pouvez facilement porter.
OND: Y a-t-il d’autres savoir-faire historiques qui peuvent influencer la façon dont Van Cleef se projette dans l’avenir ?
Alexandrine Maviel-Sonet: oui bien sûr. Nous travaillons en étroite collaboration avec le studio. Ils ont un sujet de collection auquel ils pensent et ils nous appellent. Nous leur fournissons les archives détaillées et les dessins. C’est une source d’inspiration pour eux.
OND: En tant que Directrice du Patrimoine, vous devez faire preuve d’une grande rigueur scientifique. Quelles méthodes scientifiques avez-vous employées pour lancer ce projet ?
Alexandrine Maviel-Sonet: Pour le catalogue et l’exposition, c’est la même façon de faire, mais avec moins de pièces. Nous n’avons que 72 pièces dans l’exposition et environ 700 dans le catalogue. Nous avons dû faire une sélection d’à peu près 10 % des pièces.
Nous voulions présenter l’exposition de telle sorte que le public comprenne l’œuvre et sa conception au regard de chaque période. Dans la première salle de l’exposition, nous avons des meubles et des robes de la même époque qui lui donnent vie. On peut s’imaginer être dans un appartement et écrire une note, puis porter ses bijoux et sortir pour une fête. Mais la méthode scientifique consiste aussi à comprendre l’époque. Ces pièces ont été réalisées à l’époque Art déco. On comprend le lien entre les bijoux, le mobilier, la robe et on voit qu’il y a une période de création qui est cohérente.
OND: Je me demande quelles sont les caractéristiques d’une pièce digne de l’exposition ou du livre.
Alexandrine Maviel-Sonet: Il est difficile de choisir. Nous voulions mettre en avant les pièces emblématiques, celles qui vous font comprendre la création derrière elles et d’où vient l’inspiration. Le Passe-Partout, le Serti Mysterieux et la Minaudière sont bien sûr des incontournables que nous ne pouvons éviter. Réduire la sélection a été encore plus difficile. Nous avons sélectionné les pièces reconnues à leur époque par plusieurs expositions et la foire internationale. Le Bracelet Rose, 1925, le Serti Mysterieux, 1937 et nous terminons avec la création La Boutique, et nous n’en montrons qu’une parce que nous en avons plusieurs en développement dans la prochaine édition.
OND:Y a-t-il une pièce que vous avez regretté de ne pas voir figurer dans le livre ou dans l’exposition ?
Alexandrine Maviel-Sonet: J’aimerais répondre à cette question, mais je ne peux pas. (Rires) Non, parce que nous enrichissons la collection tous les jours. Et bien sûr, à un certain stade, nous devons nous arrêter, nous ne pouvons plus changer ou ajouter de nouvelles pièces. Mais nous avons développé un catalogue numérique. Ainsi, les pièces que je n’ai pas pu mettre dans le livre sont maintenant dans la collection numérique et elles seront disponibles en juillet.